Des thérapies et de l'hypnose : une nouvelle prise en charge psychologique

Des thérapies et de l'hypnose : une nouvelle prise en charge psychologique

la prise en compte de l'enfant témoin de violence à l'usage des gendarmes

 

ceci est la conférence tenue pour les gendarmes le 14/11/2012

 

 

La prise en compte de l’enfant témoin

de la violence intrafamiliale

 

Intervention de Sylvie MICHELI du 14 novembre 2012

 

 

Etre témoin :

Etude de cas :

Cas n° 1 : vous vous promenez sur une plage avec une personne que vous aimez beaucoup et avec qui vous n’avez pas trop l’occasion de rester seul(e) (conjoint, maitresse, parent, ami….).

Vous êtes complètement détendu, il fait très beau. Sur votre droite vous voyez un petit garçon d’environ 3 ans qui fait un château de sable avec ce qui paraît être sa jeune maman.

Sur votre gauche vous voyez arriver un couple l’homme marche un peu devant, la femme un peu derrière. Ils ont une petite fille d’environ 8 ans qui courre devant.

Tout à coup la petite fille se rend vers le petit garçon et donne un grand coup de pied dans le château de sable, l’enfant recule et se met à hurler et à pleurer.

Le père de la petite fille crie : « viens ici ! » regarde la mère, puis l’enfant. La petite fille regarde sa mère qui baisse les paupières, l’enfant se met derrière sa maman. Elles ne bougent plus et se taisent. L’homme les regarde, puis continue d’avancer, la mère et l’enfant les suivent en silence, tête baissée, serrées l’une contre l’autre. Vous avancez vous aussi.

Que pensez-vous immédiatement ?

Que ressentez-vous face au petit garçon ?

Que ressentez-vous face à la petite fille ?

Que faites-vous ?

 

2e cas :

Même contexte, une plage mais vous êtes avec un collègue, vous êtes en tenue et vous surveillez la plage.

Sur votre droite, une petite fille d’environ 3 ans fait un château de sable avec sa maman qui a l’air très jeune.

En face de vous à gauche arrive un couple. La femme est devant avec un petit garçon d’environ 8 ans. L’homme suit.

Tout à coup l’enfant se dirige vers la petite fille et donne un grand coup de pied dans le château de sable. La petite fille hurle et se met à pleurer.

Le père du garçon fonce vers lui, lui met une gifle magistrale et des coups de pieds. L’enfant court rejoindre sa mère et se cache derrière elle. La mère n’intervient pas.

Que pensez-vous immédiatement ?

Que ressentez-vous face au petit garçon ?

Que ressentez-vous face à la petite fille ?

Que faites-vous ?

 

Dans ce cas précis, le plus grand danger est pour le cas n° 1. La violence n’est pas agie, elle est sourde. La violence n’est pas pour l’enfant, elle est pour la mère et nous allons voir pourquoi.

Il existe une quantité importante de signes cliniques, physiques ou psychologiques qui permettent, lorsque l’on est professionnel de comprendre quand une violence se met en place. Mais chaque intervention de gendarmerie entraine une telle pression et une telle angoisse pour chaque intervenant que l’on ne peut se rendre compte de tout.

De plus chacun à son idée personnelle de ce qui est tolérable ou non et cela varie pour chacun. L’exercice que vous venez de faire le montre, vous n’auriez pas réagit de la même façon et ressentit la même chose pour chacun des protagonistes.

Il n’y a pas de vraie réponse, il n’y a que de l’affect et vous devez travailler avec cet état de fait, avoir quelques pistes peut également vous servir à repérer certains comportements et mon intervention va essayer de vous en donner quelques unes.

Aujourd’hui nous parlons des effets de la violences sur les enfants témoins. Plutôt que de parler de témoin, on pourra parler d’exposition parce que cela englobe une description plus complète : il s’agit de voir, entendre et observer les effets de la violence conjugale et le fait de vivre dans la peur, la terreur. Le mot témoin sous entend témoin oculaire et il peut y avoir confusion dans le cadre de vos missions.

Ceux qui sont exposés à la violence conjugale voient, entendent et sont témoins d’actes de violence commis à l’égard de leur mère par leur père (parfois l’inverse) ou par le conjoint de celle-ci. Ils peuvent être témoins oculaires ou se trouver dans une autre pièce, à l’étage ou au lit où ils essayent de s’endormir. Ils peuvent également constater les résultats de la violence. Ils voient et entendent des scènes qui vont de la violence verbale à l’agression sexuelle ou physique, dont les gifles, les coups de poings et de pieds, des volées de coups et de l’agression armée avec des ustensiles de cuisine ou armes blanches. Ils entendent presque toujours la violence verbale et les insultes qui accompagnent la violence physique, et qui peuvent se produire à d’autres moments. L’atmosphère familiale est souvent caractérisée par un manque total de respect de l’agresseur à l’égard de leur mère qui, à de nombreux égards, se trouve réduite à l’impuissance. Il s’agit d’un environnement toxique qui compromet gravement leur bien-être et leur développement.

Apparaissent alors des manifestations traumatiques, immédiates ou différées.

Cela plonge l’enfant dans un univers de confusion, de peur voire de terreur face à l’impuissance d’empêcher la menace, lui font perdre la confiance en l’adulte et en ses repères habituels. Même s’il est juste « témoin » et qu’il  ne présente pas ou peu de symptômes, cela ne diminue pas le risque.

Avec le temps ces traumas perdurent dans la vie d’adulte, les violences peuvent être répétées et amplifiées ou réapparaissent sous une autre forme à travers les générations.

Comme les troubles sont multiformes et peuvent arriver suite à une maladie, un deuil, une perte affective, il n’est pas aisé de les repérer comme conséquences d’une violence vécue dans le passé si cela survient à l’âge adulte.

 

Les difficultés d’ordre diverses que peut vivre l’enfant suite à une expérience en tant que victime de maltraitance sexuelle ou de violences familiales ne sont pas toujours immédiates et bruyantes, ni toujours spécifiques à ce type de  traumatisme. Souvent la honte, la culpabilité ou la peur empêchent l’enfant d’exprimer ce qu’il subit et parfois, quand il y arrive, les adultes doutent de sa parole.

Les troubles comportementaux et affectifs sont 10 à 17 fois plus fréquents chez ces enfants. Ces enfants souffrent souvent de problèmes affectifs : dépression, anxiété, refus d’aller à l’école, retrait des intéractions sociales et difficulté à se séparer de leur mère.

Les actes de violence contre les pairs, les enseignants et les mères sont plus fréquents chez ces enfants qui sont témoins de violences envers les femmes (en particulier chez les garçons, mais ce comportement existe aussi chez les filles).

Il y a une amplification et une diversification de modes d’expression violente quand le problème n’est pas dévoilé et le travail sur le système familial n’a pas été effectué.

Dans les foyers où la femme est victime de violence, les enfants courent eux-mêmes un risque plus élevé de violence physique ou sexuelle de la part de l’agresseur de leur mère.

 

Mon intervention porte principalement sur les actes commis ou omis par les parents ou les tuteurs qui nuisent à  l’enfant.

Il se penche, plus particulièrement, sur la prévalence, les causes et les conséquences de quatre sous-types de mauvais traitements infligés aux enfants par les personnes qui en ont la charge ; à savoir :

 

la violence physique ;

— la violence sexuelle ;

— la violence psychologique ;

— la négligence.

 

On entend par violence physique infligée aux enfants des actes commis par un tuteur qui entraînent des dommages corporels ou risquent d’en entraîner et on entend par violence sexuelle les actes que commet un tuteur sur la personne d’un enfant pour en retirer un plaisir sexuel.

 

On entend par violence psychologique le fait de ne pas veiller à offrir un environnement convenable et positif, et de commettre des actes qui nuisent à la santé et au développement affectifs de l’enfant.

Parmi ces actes, citons le fait de limiter les mouvements d’un enfant, le dénigrement, le fait de ridiculiser, les menaces et l’intimidation, la discrimination, le rejet et d’autres formes non physiques de traitements hostiles.

 

La négligence, ou privation ou défaut de soins, renvoie au fait qu’un parent ne veille pas au développement de l’enfant – s’il est en position de le faire – dans un ou plusieurs des domaines suivants : santé, éducation, développement affectif, nutrition, foyer et conditions de vie sans danger. La négligence se distingue donc des situations de pauvreté en ceci qu’elle ne survient que dans les cas où la famille ou les tuteurs disposent de ressources raisonnables.

 

Dans 70 à 85 % des cas de violences conjugales, l'enfant y est exposé.

Les violences conjugales, que les enfants y soient exposés de façon directe (témoins des scènes et/ou victime lui aussi) ou indirecte (témoins des marques physiques et de la détresse du parent victime), ont toujours un impact considérable sur eux. Même si les violences ne sont pas dirigées contre leur personne, elles constituent un réel traumatisme.

La violence affecte toutes les dimensions de la vie de l’enfant, elle touche son développement à court, moyen et long terme. Les risques se situent principalement pour l’enfant autour de :

-      La santé

-      Les apprentissages

-      Les soins

-      L’éducatif

-      L’affectif

 

1)  La santé

Les enfants traumatisés par des violences conjugales présentent davantage de problèmes de santé : retard de croissance, allergies, troubles ORL et dermatologiques, maux de tête, maux de ventre, troubles du sommeil et de l'alimentation, et ils sont plus souvent victimes d'accidents (8 fois plus d'interventions chirurgicales) Les conséquences sont observables dès la naissance chez le nourrisson qui très souvent refuse catégoriquement de s’alimenter, pleure sans raison apparente ou, au contraire, ne manifeste aucune émotion de façon à se faire oublier. Les centres de protection maternelle infantile observent souvent un retard staturo-pondéral, des troubles de l’attention, mais aussi des retards au niveau du développement ainsi que des maladies chroniques répétées.

Souvent l'enfant ne montre pas son désarroi (50 à 60 % des enfants ne développent pas de symptômes) dans le but d'épargner à son parent un surcroît de soucis, mais dans tous les cas, il souffre de la situation et est terriblement fragilisé par l'angoisse qu'elle génère. L'enfant, même petit, ressent le stress de sa mère, ce qui influe sur la sécrétion de cortisol, hormone toxique quand elle est produite à long terme. Il est tout le temps dans une situation d'hypervigilance ce qui a un impact sur le développement des structures du cerveau.

On assiste donc à des Troubles de la vie de relation signifiant un déséquilibre de l’organisme : 

  • Troubles du sommeil avec réveils nocturnes, cris, cauchemars, hurlements ou refus de s’endormir. En général, la difficulté de l’enfant à s’endormir s’accompagne de symptômes psychologiques appelés peurs, peur de la noirceur, peur de se retrouver seul quand il se réveille (à relier à l’angoisse de séparation, quand celle-ci s’opère à son insu, de l’être aimé).
  • Troubles de l’appétit ( refus du biberon, régurgitations, picorage, anorexie, ou contraire boulimie) s’accompagnant de nausées et, ou de vomissements.
  • Perte du contrôle des sphincters (énurésie, encoprésie) quand ce contrôle a été acquis auparavant ou bien retard dans l’apprentissage à la propreté ; parfois, coprophagie (qui se nourrit d’excréments).

 

2)  L’apprentissage

L’enfant va expérimenter des modèles relationnels basés sur la corruption, la terreur, la servitude et la domination. Il aura une faible capacité à se projeter, l’enfant est dans l’immédiateté, dans la confusion. Le jeune va utiliser la violence comme un outil de gestion des frustrations. L’indifférence et l’émoussement émotionnel vont lui servir face à la violence.

 Lorsqu’il est plus âgé, l’enfant rencontre des difficultés scolaires. En classe, il a du mal à rester concentré et attentif. Il refuse de faire son travail scolaire le soir ou en retarde sans cesse l’heure. Il rencontre aussi des difficultés pour retenir les leçons et réaliser les exercices. Ce manque général d’intérêt pour les apprentissages va l’amener à rencontrer des difficultés scolaires aussi bien observables au niveau des notes que de son comportement.

Ils présentent fréquemment des troubles de l'adaptation : phobies scolaires, angoisse de séparation, hyperactivité, irritabilité, difficultés d'apprentissage, et des troubles de la concentration. Ils présentent fréquemment aussi des troubles du comportement, 10 à 17 fois plus que des enfants dans un foyer sans violence, dont des comportements agressifs vis à vis des autres enfants, (50% des jeunes délinquants ont vécu dans un milieu familial violent dans l'enfance).

Ces enfants ont en effet du mal à établir des relations interpersonnelles significatives avec leur entourage, que ce soit avec les professeurs, les membres de leur famille ou les pairs. Ils peuvent être considérés comme étant hyperactifs par les professeurs de par leur comportement en classe. Face à l’adulte, l’enfant adopte aussi bien des comportements de séduction, que de manipulation ou d’opposition. Les problèmes comportementaux se manifestent également dans l’interaction avec leurs camarades (Fortin, 2005). Ils ont en effet tendance à se replier sur eux-mêmes, à s’isoler en refusant de s’ouvrir aux autres et faire confiance. De plus, ils réagissent en général de manière impulsive et vont résoudre leurs problèmes par de la violence ou de l’agressivité, ce qui amène les autres enfants à s’éloigner d’eux.

Cela amène donc  des Déficits ou retards dans les apprentissages.

  • Apprentissage de la parole : le bégaiement peut apparaître
  •  Apprentissages de la lecture, de la dextérité fine (dessins, écriture), du calcul.
  •  Apprentissages de la propreté (se laver, se brosser les dents), des  bonnes conduites (bien se tenir à table, dire merci, bonjour etc…).

 

3)  Au niveau des soins

L’enfant est exposé à une négligence importante de ses besoins primaires, de sa santé physique, mentale et affective.

Un enfant in utero, un bébé, un ado, un enfant à la santé fragile, ne vit pas la violence de la même manière. Le moment de l’apparition de la violence dans l’histoire de l’enfant aura également un impact sur l’enfant.

Son environnement familial est gravement perturbé. Dans ce contexte, ses deux parents, qui devraient être des soutiens indéfectibles, se révèlent incapables d'être des piliers sur lesquels il peut s'appuyer. Il ne trouve plus la sécurité dont il a besoin et pas non plus d'exemples valables pour se construire. En plus, il est obligé de se soumettre à l'autorité d'un adulte qu'il ne peut pas, dans ces conditions, respecter, qui, en imposant sa loi personnelle par la violence, transgresse la loi sociale. Les violences conjugales ont des conséquences directes et indirectes sur le développement de l’enfant. Directes parce que la mère qui les subit est perturbée, moins disponible pour l’enfant, ce qui entraîne parfois des carences affectives, voire des négligences éducatives. Il arrive aussi que l’enfant soit utilisé comme « bouclier » par le parent agressé pour se protéger et par le parent agresseur pour provoquer. Des conséquences indirectes : l’enfant se trouve contraint de choisir entre ses deux parents, situation insupportable puisqu’il les aime tous les deux. De plus, la violence arrive soudainement, entraînant stress et insécurité chez l’enfant qui devient méfiant vis-à-vis des adultes et de ses propres sentiments. L’amour lui est présenté de manière passionnelle et contradictoire - des coups suivis de réconciliations -, cette situation paroxystique lui donne l’impression que contrôler ses sentiments est impossible. Il peut adopter au fil du temps une attitude de froideur, de retrait dans sa vie familiale et sociale à moins de devenir lui-même auteur de violences.

Il est clair que les situations de stress important ont un impact sur les capacités de perceptions parentales. Certaines mères victimes de violences ont un maternage, un style parental extrêmement variable. Elles prennent soin en passant de la présence à l’indifférence ou la colère suivant le climat dans lequel elles baignent.

 

     4 ) au niveau éducatif

Les enfants témoins de violences conjugales sont beaucoup plus actifs que les autres. Ce sont aussi des enfants qui ne connaissent pas la frustration.  Explication : l'auteur des violences conjugales ne supportant pas les enfants capricieux, la victime (dans la majorité
des cas la mère) essaie à tout prix d'éviter les situations de conflit... Et accède rapidement à la moindre demande de l'enfant, qui peut du coup se sentir « tout puissant » et devenir à son tour un « terroriste » affectif, menaçant ou manipulant sa mère pour obtenir ce qu’il veut.

Les questions éducatives entraînent de nombreux conflits (repas, couchage, télé…). Chaque parent, à travers les règles éducatives, défend sa culture familiale. Il s’ensuit un conflit conjugal qui peut conduire à la violence pour imposer ses règles éducatives ou religieuses. L’entrée de l’enfant dans l’adolescence est aussi un moment qui fragilise le couple, réactive des conflits anciens notamment autour de la sexualité naissante de l’adolescent. Enfin la violence peut surgir lorsque l’un des conjoints s’émancipe, mettant en péril l’équilibre du couple, surtout s’il était auparavant sous l’emprise du partenaire. Le conflit est normal au sein d’un couple sans pour autant qu’il y ait violence physique ou psychologique. Lorsqu’il y a volonté de détruire l’autre et refus de l’altérité, alors il y a urgence à régler le problème. Les adultes qui se retrouvent dans un schéma de violence conjugale ont souvent été témoins de violence – agie ou verbale - chez leurs propres parents pendant leur enfance.

 

5)  Au niveau affectif

il apparaît que ces enfants sont souvent tristes, anxieux, dépressifs, ont une faible estime d’eux-mêmes. Ils possèdent également des relations d’attachements insécurisées  à l’origine de certaines craintes et peurs face au monde qui les entoure, qui apparaissent souvent disproportionnées. L’enfant perçoit sa famille comme étant divisée entre l’abuseur contrôlant et cruel, habituellement le père, et la victime, souffrante et sans ressources, souvent la mère. Il peut conclure que le monde dans lequel il évolue est un lieu dangereux et terrorisant, l’amenant à une extrême méfiance et de l’hypervigilance. Certains dilemmes affectifs peuvent aussi être vécus par le fait qu’il se retrouve constamment déchiré entre ses deux parents, l’amenant à vivre de véritables conflits de loyauté. L’enfant est en effet amené à éprouver des sentiments contradictoires vis-à-vis de ses parents alternant entre l’amour et la haine, l’attachement et le détachement, la proximité et le rejet à l’égard de l’un ou l’autre des parents. La tension est permanente, la confusion aussi. D'une part, les accès violents sont imprévisibles et d'autre part, l'enfant éprouve des sentiments contradictoires pour l'auteur et pour la victime. A la fois, il aime son père et à la fois, il lui en veut de faire du mal à sa mère. A la fois, il ressent de la compassion pour elle et à la fois, il lui en veut de ne rien faire pour sortir de cet enfer. La violence conjugale corrompt l'enfant car elle le confronte à un modèle relationnel inadapté. Son profond malaise peut se manifester par des problèmes de comportement, de difficultés d'apprentissage, des troubles psychosomatiques (maux de tête, de ventre, etc.), de l'isolement et des difficultés d'intégration sociale.

L'enfant peut se sentir responsable du déclenchement des scènes, soit parce qu'il n'a pas obéi assez vite, qu'il a contrarié son parent par ses résultats scolaires, une maladresse, etc. Ce ne sont que des prétextes aux explosions mais il porte le poids de la faute sur ses épaules et également une mission de sauvegarde du parent victime. Il est animé du fantasme qu'en son absence le pire peut arriver. Il garde le silence vis-à-vis de l'extérieur de crainte que ses révélations ne conduisent son père en prison, que sa mère soit sans le sous et qu'il soit confié à l'aide sociale à l'enfance... Parler peut être en quelque sorte équivalent de faillir à la loyauté familiale. Ces responsabilités l'empêchent de vivre sa vie d'enfant.

Lorsque sa mère a décidé de rompre, sa décision de partir est fréquemment prise dans l'urgence. L'enfant subit le départ. Même si longtemps il a espéré cette issue, néanmoins il n'en avait pas mesuré toutes les conséquences pour lui : quitter son logement, abandonner ses jouets, changer d'école parfois, perdre ses copains de classe, affronter un autre environnement de vie... Il y a la vie d'avant et la vie d'après, quelquefois très différente et qui peut prendre plusieurs mois pour se mettre en place. Ce n'est pas facile de vivre dans un foyer d'accueil pour femmes battues, de ne pas avoir sa chambre à soi, de ne pas savoir où tout cela va les mener, lui, sa mère et ses frères et ses sœurs... Ils vivent une sorte d'exil. L'anxiété de sa mère est palpable, il peut se sentir coupable de l'avoir influencée, incitée à quitter son père, d'avoir attiré ses fougues sur lui et précipité ainsi les choses. S'il n'avait pas provoqué la colère du père, elle n'aurait pas eu besoin de partir pour le protéger... L'enfant est en même temps soulagé qu'ils ne soient plus à la merci du père et angoissé par l'avenir. Que vont-ils devenir ? Ce questionnement, qui n'est pas de son âge, le hante.

Et ensuite l’enfant doit retourner voir le parent maltraitant. Là on peut assister à des troubles dans la vie psycho-affective signifiant un ou une série de traumatismes répétés dans sa vie psychique :

  • Changements de l’humeur avec colère, agressivité, nervosité, agitation.
  • Repli sur soi avec humeur triste et taciturne. 
  • Conduite de négation avec refus, refus de faire ce qu’on lui demande, refus d’aller à l’école quand d’âge scolaire.
  • Manque d’attention, de concentration, rêverie, absence d’écoute : ce qui explique la possible chute dans la performance scolaire si d’âge scolaire avec parfois, perte des acquis antérieurs ; ce qui rend compte aussi d’un possible retard dans les apprentissages scolaires. Cette absence dans la fixation de ce qui se passe autour de lui, s’apparente à la perte du contact avec le réel.
  • Perte du contact avec la réalité : souvent est mentionné le regard « vide » de l’enfant quand il revient chez le parent maternant, son comportement « bizarre », errant de pièces en pièces comme pour se rassurer. Parfois, l’enfant s’enquiert auprès de son parent, tout en s’en inquiétant, si la chambre qu’il occupe est bien sa chambre, les jouets qui s’y trouvent sont bien ses jouets, le petit frère ou la petite sœur, sont bien son petit frère ou sa petite sœur. L’enfant redécouvre « son chez lui » qui n’est plus tellement « son chez lui » puisqu’on lui fait mener une vie d’allers et de retours dans plusieurs endroits (il arrive que l’enfant n’est pas toujours hébergé à chaque séjour chez le parent non maternant, mais chez ses grands-parents, oncles, tantes ou amis) donc de déséquilibre, de perte des repères, de perte d’identité et du sens de l’appartenance, les frontières entre le moi et le non-moi, ce qui est à moi et pas à moi s’estompant : il doit se réadapter à chaque fois, retrouver ses repères, reconstruire une identité morcelée, en voie de dépersonnalisation, de déstructuration. 
  • Angoisse d’abandon : le jeune enfant se sent abandonné par le parent qui le materne, le protège, lui assure sa sécurité, lui donne amour, affection, tendresse mais qui, du jour au lendemain, l’envoie ou le laisse partir, parce qu’il en a été décidé ainsi par la Cour, avec un parent qui fait peur, ou presque inconnu ou avec qui il ne se sent pas bien. L’enfant pense alors qu’il n’est plus aimé, que sa mère ne veut plus de lui. Désemparé, il est si triste qu’il peut arriver à croire que c’est parce qu’il est « vilain » ou pas assez gentil que sa maman le punit, lui fait du mal en l’envoyant chez un parent qui l’effraye! 
  • Absence de confiance en soi : La perte du contact avec la réalité due aux changements récurrents et aux ajustements imposés lors de la rupture des rythmes bio-psychologiques conjuguée à l’angoisse d’abandon entraînent l’apparition de l’incertitude et du doute. Chez le jeune enfant, ce manque de confiance en soi se manifeste de façon particulière : on parle d’un enfant inquiet, qui ne « sait pas ce qu’il veut », changeant, « capricieux ».

Il est également possible d’assister à un renversement des rôles entre l’enfant et ses parents, ce que l’on appelle la « définition » (Earley & Cushway, 2002) ou la « parentification ». L’enfant assume alors certains rôles parentaux souvent peu appropriés à son âge et qui peuvent être à l’origine de lourdes conséquences sur son développement. Il joue ainsi un rôle de soignant, de confident ou de médiateur et va par exemple prendre en charge et protéger ses frères et sœurs (parentification qui veut avoir lieu également pendant la vie commune).

 

 

Lors des cas de violence les plus graves, on peut avoir les signes cliniques suivants:

-      Signes d’ordre psychologique

-      Signes d’ordre physique

-      Signes d’ordre comportemental

-      Signes d’ordre langagier

 

Signes d’ordre psychologique

Outre les manifestations bruyantes et soudaines de troubles psychotiques (délire, dissociation, sentiment de déréalisation), borderline (crises de colère incontrôlables, angoisse de séparation exagérée) ou hystériformes (théâtralité, mythomanie, somatisations) qui peuvent apparaitre suite à l’exposition de l’enfant à des évènements d’une violence extrême, le plus souvent on observe des manifestations dépressives et phobiques. L’expression inhabituelle de sentiments de tristesse et de culpabilité, les idées noires (très rares chez l’enfant) ainsi que l’apparition de peurs liées à des lieux (entachés des images traumatiques) à des personnes et des situations précises (avec de la méfiance, des tentatives d’évitement, voire des protestations etc) doivent alerter les adultes de l’entourage.

On peut aussi découvrir que la communication de l’enfant peut être marquée par des comportements agités et des échanges corporels brusques, une expression verbale logorrhéique ou au contraire des inhibitions graves de l’expression verbale et non verbale dans la relation à l’autre.

Les comportements les plus rapidement identifiés sont les comportements suragités, les difficultés de concentration et les troubles de l’attention de l’enfant-victime qui le mènent très souvent vers un retard scolaire et/ou vers un « retard intellectuel » réactif (tout à fait réversible quand il est pris en charge précocement).

Signes d’ordre physiques

Il existe bien évidement des lésions physiques lorsque l’enfant a été battu ou abusé sexuellement qui vont entrainer une multitudes de symptômes (somatisation (le corps parle) ou véritable crise de maladies psychosomatiques).

Il peut y avoir également des troubles physiques : il y a les troubles alimentaires (notamment la boulimie), les troubles du sommeil (insomnie et hypersomnie, réveils nocturnes ou très tôt le matin, cauchemars, peurs) et l’activation neurovégétative (hyperéveil, sursauts exagérés, nausées) sont en général suffisamment alarmants pour que nous puissions les identifier rapidement.

Peuvent également apparaitre diverses plaintes somatiques (douleurs abdominales, maux de tête, irritations dermatologiques) ou des expressions paroxystiques de maladies psychosomatiques (crises d’asthme, spasmophilie).

Signes d’ordre comportemental

Certains types de comportement traduisent une souffrance dissimulée, qu’elle soit liée directement à la violence subie ou à une carence affective et à un manque de soutien de l’entourage, ce qui ne peut qu’accentuer les troubles.

L’agitation, l’hyperactivité, l’anxiété sont souvent exprimées parallèlement à une attitude de revendication, des exigences exagérées et inexplicables, des jeux répétitifs et violents, avec parfois des changements brusques, sans transition entre des conduites opposées (obéissance – désobéissance). Chez les enfants et les ados, cette agressivité et agitation non canalisées peuvent s’aggraver en se retournant contre soi-même dans les comportements à risque (auto-mutilations, scarifications, fugues, conduites addictives, TS) ou contre les autres (petite délinquance avec comportements agressifs, port d’armes, vols)

Ces comportements peuvent exister en même temps que d’autres moins « gênants » : perte d’intérêt pour des activités préférées, problème d’hygiène accompagnant en général un isolement volontaire, un manque de confiance en soi associé à l’inhibition ou les troubles relationnels, comportements régressifs ou « adultomorphes » (incapacité à jouer, adoption d’un rôle trop responsable, manque de spontanéité…) 

Signes d’ordre langagier

Le langage de l’enfant victime peut être agressif, incohérent ou inhibé, inapproprié pour son âge et changer soudainement suite à des évènements traumatiques. Un discours négatif et dévalorisant, la répétition d’injures, de grossièretés et d’insultes peuvent à la fois constituer une répétition traumatique de ce que l’enfant a vécu et une tentative de se protéger contre la violence environnante. D’autre part les difficultés de mise en mots du vécu de l’enfant se traduisant par une expression logorrhéique (flot de paroles) et incompréhensible ou par une inhibition du langage expressif, risquent d’être considérées comme de « simples troubles du langage » s’ils sont considérés hors contexte et non conjointement avec d’autres signes cliniques.

 

La prise en charge : L’accompagnement systémique de la famille

L’enfant vit avec une famille nocive dans ses transactions. L’organisation familiale influence les symptômes de l’enfant témoin. Toute la famille est engagée dans un jeu rigide d’interactions violentes et tous les membres de la famille coopèrent à son maintien. C’est l’existence même de ce rapport d’influence circulaire qui permet de considérer la famille comme système. On considère comme système tout groupe de personnes qui interagissent entre elles et s’emploient à définir leurs relations réciproques selon des règles. Par ex l’enfant ainé protège sa mère (adulte) lors de violences intrafamiliales, c’est repéré par le père, la mère le sait et compte sur son enfant pour que la transaction s’arrête ou se dérive vers un autre membre de la famille. Il est difficile d’avancer un chiffre précis puisque l’enfant, sans être témoin direct des violences conjugales, peut les entendre à travers une cloison et s’imprégner des tensions familiales, les absorbant comme une éponge. Malheureusement, il risque de reproduire la violence dans le couple qu’il constituera lorsqu’il sera adulte, en position de victime ou d’acteur. Ses parents ne lui donnant pas un modèle de couple capable de gérer le conflit par la parole, le compromis, la distanciation, il intériorise le système violence-amour comme indissociable.

Les parents constituent les piliers qui permettent à l’enfant de se construire, il s’identifie autant à sa mère qu’à son père et surtout à la relation qui existe entre ses parents. Si l’un des deux – la violence peut venir du père comme de la mère – est en position de faiblesse, cette construction identificatoire est fragilisée et l’enfant aura une mauvaise image de lui-même. Voir un parent disqualifier son conjoint est traumatisant, l’enfant peut mépriser le parent humilié ou a contrario vouloir le consoler, réparer les blessures infligées. La violence entre ses parents peut aussi le culpabiliser car plus l’enfant est jeune, plus il croit que le monde tourne autour de lui. Il se pense alors responsable de la violence conjugale, persuadé de ne pas être l’enfant dont ses parents rêvaient. Il se considère comme « mauvais », se met en situation d’échec, a des troubles du comportement ou encore attire les foudres du parent violent sur lui pour protéger celui qui est agressé. Se considérant comme « mauvais », il estime que c’est lui qui mérite d’être puni. Enfin, il peut aussi agresser ses frères et sœurs ou ses camarades d’école, justifiant ainsi inconsciemment le parent violent : « Il n’est pas si méchant puisque je fais la même chose que lui ».

Une véritable reprise du développement psycho-affectif se traduira par la diminution des peurs, de l’agitation et des comportements agressifs, le moindre évitement ou isolement, une capacité augmentée d’expression émotionnelle avec moindre méfiance et sentiments d’être menacés.

La possibilité de s’exprimer, de mettre en représentation imaginaire, dans ses jeux et ses dessins, d’externaliser ses peurs dans un cadre sécurisant, vont augmenter la capacité de l’enfant de mettre à distance son vécu et sortir de la répétition traumatique.

L’enfant va réaliser ce travail considérable lui-même mais ses  parents doivent avoir la capacité d’être contenants, de reprendre leurs rôles respectifs en travaillant sur le système familial. Ils  permettront ainsi à l’enfant de se repositionner dans son rôle d’enfant, de réinvestir l’énergie psychique libérée dans les échanges et les activités.

Il peut y avoir également un maintien inconscient du symptôme de l’enfant par tout le système familial car il a une fonction sous-jacente de maintenir la relation entre les parents.

Il y a également 2 phénomènes majeurs dont on doit tenir compte dans la prise en charge : la honte et la culpabilité.

 

 

  • Définition de la honte

 

La honte, c’est un sentiment pénible de ne pas être comme les autres. Cela se traduit tragiquement par des sentiments d’indignité (je ne mérite pas) et d’incapacité (je ne peux pas).

La représentation principale est le « fossé » entre Soi et les autres et ne pas être à « la hauteur ». C’est une atteinte de la représentation de la personne aux yeux de l’extérieur, il n’y a plus de Soi et les autres ; il n’y a plus que l’œil qui regarde la honte. Lorsque l’on porte ce sentiment pénible qui risque de tout engloutir jusqu’aux sentiments d’appartenir à sa propre identité, la survie exige des conduites d’évitement ou paradoxalement de provocation de ce que l’on voudrait éviter. Pourtant l’on se sent être rien ou moins que rien.

Lorsque l’on a à faire à un être violent, que ce soit un conjoint ou un parent, on ne peut pas s’imaginer que la faute de l’autre est Sa faute à lui. On a honte de vivre cela, de le subir, de le cacher. L’entourage ne comprend pas nos réactions qui semblent disproportionnées ou inadaptées, alors on a honte et l’on se tait. Pas un instant on n’imagine pouvoir s’arrêter et donner des explications sur ce qui arrive, ce n’est pas pensable.

A titre de métaphore, imaginons quelqu’un se faisant voler tous ses vêtements et devant ensuite obligatoirement traverser une rue très fréquentée. Dans cette situation où il est forcé d’exposer sa nudité, il tentera tout pour la dissimuler, en essayant, par exemple, de traverser la rue le plus rapidement possible, ou en cachant sa nudité par ses mains ou un journal s’il en trouve un… Certainement cette personne « victime » n’aura pas la présence d’esprit suffisante pour s’arrêter dans la rue, et expliquer de vive voix qu’elle a été dépouillée par des malfaiteurs. Se protéger de la honte en courant, et s’arrêter pour expliquer la situation, sont deux actes contradictoires, impossibles à réaliser simultanément. Nous pouvons ainsi imaginer la situation de l’abusé, que ce soit une victime d’inceste, de viol ou de pervers, d’une part « honté » et d’autre part bâillonné par lui-même dans le système familial.

 

 Le néologisme « honté » (Luis Vasquez, 1996) aurait une traduction possible telle que « ashamed » en anglais ou « avergonzada » en espagnol, soit le participe passé du verbe « avoir honte » qui n’existe pas en français sans l’auxiliaire avoir.

 

Il est intéressant de signaler ici, qu’en espagnol, la honte s’exprime de quatre façons différentes :

 

« Tener vergüenza » (avoir honte)

qui signifie que l’on est porteur de la honte, tout simplement

« siento vengüenza » ou « avergonzarse » 

éprouver de la honte

« dar vergüenza » 

faire honte à quelqu’un ou à soi-même

« tener vergüenza ajena » 

porter la honte de la faute de quelqu’un d’autre.

 

« Ajena » est un mot très spécifique qui ne possède pas de synonyme en français, signifie le contraire de « propre à moi » en tant qu’appartenance. Ce mot peut être un adjectif pour désigner la qualité de non appartenance, ou bien un nom pour désigner l’ensemble d’objets qui ne m’appartient pas. Ceci pointe une altérité entre :

le monde à moi (« lo mio »)

le monde à autrui (« lo ajeno »)

 

C’est pourquoi lorsque l’on parle de honte dans le système violent, en tout cas la honte de la victime, nous pourrions mieux la définir en espagnol qu’en français, la définition de ce terme de honte, pour un abusé, étant plus fine que celle imaginée globalement.

 

Lorsque l’on travaille avec des victimes de violence, il faut établir un lien entre la faute et le responsable (et porteur de la faute), qui se transforme alors en coupable. Le porteur de la  honte a moins honte, dans la mesure où il y  a un « autre » qui est porteur de la faute, et qui est donc coupable. Plus la désignation du coupable est importante, plus le pervers est défini comme abuseur et tout-puissant, plus la victime est victime, et moins elle est mauvaise. Au niveau fantasmatique, nous pouvons dire que les victimes ont un fantasme de destruction : si elles énoncent la faute, cela risque de détruire la famille. Tout comme les victimes d’abus sexuels, nous assistons à des mécanismes de verrouillage d’individus qui se bâillonnent eux-mêmes pour protéger les autres. Ils continuent ainsi à porter la honte, parce qu’énoncer la faute devient impossible. Il faut travailler avec une logique de réparation possible. Cette logique tend à réduire la Honte de la victime, associée à son sentiment de responsabilité dans la faute, et l’impossibilité d’en parler. Dans ce type de situation, le fait de porter la honte (tener vergüenza ajena) rend difficile la reconnaissance de l’agresseur en tant qu’extérieur à soi. Cependant avoir honte n’engendre pas la culpabilité, contrairement à être la honte. La honte porte sur une personne, la culpabilité porte sur un fait.

 

  • Définition de la culpabilité

 

C’est le sentiment de la personne qui se reproche d’avoir fait ou de pouvoir faire une faute. Son idéal et sa projection dans l’avenir s’en trouvent atteints. Dans toute notion de culpabilité, il y a la notion d’acteur. Pour les victimes de personnes violentes, il s’agit du même processus que pour les enfants abusés, ils n’arrivent pas à se défaire de leur culpabilité et à se penser victime.

 

On assiste à nouveau ici à une contradiction : le sentiment de culpabilité nous oblige à reprocher un acte, une parole, un manque, un trop à quelqu’un qu’on aime, et paradoxalement, plus nous voulons être quittes en payant, moins nous sommes en règle, plus nous devons être, plus nous devons faire, plus nous nous sentons coupables de ne pas y arriver… Le sentiment de culpabilité est alors déplacé, la victime pense qu’elle a été acteur c'est-à-dire le décidant.

 

les processus mis en jeu

 

  • La loyauté

 

La loyauté est un phénomène inhérent à la vie. En effet, de par leur structure, chaque famille est issue de  branches différentes, amenant avec elles, diverses valeurs, éthiques, religion, goûts, sentiments etc.… L’enfant va donc choisir ce qui lui convient le mieux et en cela nous pourrons dire qu’il est loyal avec une branche de ses ancêtres. Un développement équilibré consiste à être loyal à chaque parent, non pas de façon équitable, mais de façon harmonieuse. On peut désirer privilégier l’une ou l’autre, mais en rejeter totalement une équivaudrait à se construire de façon déséquilibrée.  C’est souvent au cours de l’adolescence que l’adulte qui se construit doit établir des choix. Il s’agit d’une période difficile qui généralement se termine bien, surtout que les membres de la famille peuvent aider l’enfant à résoudre la contradiction dans le choix qu’il doit faire. Le système devient pathologique lorsque pour les parents, chaque fois que l’enfant fera un choix,  cela sera considéré comme une trahison. Quand les attentes des parents sont peu claires ou totalement contradictoire (par exemple, chacun des parents ayant une religion différente et attend de l’enfant qu’il choisisse la sienne) il ne pourra se situer dans un choix clair et il manifestera sa loyauté sous forme invisible. Souvent les adolescents sont les plus loyaux envers celui ou celle avec qui ils luttent ouvertement.

Le conflit de loyauté renvoie à une situation où une personne est ballottée entre deux objets de loyauté compétitifs mais pas exclusifs. Les conflits s’aggravent à mesure que les oppositions entre les attentes se voilent, la fiabilité des relations est compromise.

« On peut dire que l’individu est toujours loyal envers ses origines ; s’il ne peut pas l’être ouvertement, il le sera de façon voilée. La loyauté se manifeste alors d’une manière indirecte, sous forme de symptômes. »

 

  • La loyauté clivée

 

 La loyauté clivée a des répercussions bien plus profondes que les conflits de loyauté. Le clivage a lieu quand les parents imposent à l’enfant des exigences conflictuelles, d’une telle façon qu’en étant loyal envers un de ses parents, il est automatiquement déloyal vis-à-vis de l’autre. On exige de rejeter l’autre parent. Cela provoque une déchirure grave dans la loyauté existentielle entre les deux parents et l’enfant.  A cause de cette déchirure, l’enfant s’efforcera de toute sortes de manières à réconcilier ses parents, tâche ingrate,  voire impossible. Une des issues hélas dramatiques de ce conflit est le suicide. Jean-François Le Goff, dans son livre : « La parentification, l’enfant parent de ses parents » le démontre parfaitement bien.

Cette condition pernicieuse survient quand les parents se cantonnent dans une méfiance et un mépris réciproque. Cet état devient absolument incontournable lorsque un couple  divorce. L’un des parents peut en effet n’avoir aucun scrupule à se servir de l’enfant, à le manipuler voire à le conditionner afin qu’il rejette le parent complice (terme emprunté à Eiguer).

La fiabilité de la relation est perdue. Les manifestations de méfiance peuvent varier. Plus les signes seront subtils, plus l’enfant aura du mal à gérer la situation. La loyauté clivée porte atteinte à la confiance, ce qui forme la base d’une parentification destructive de l’enfant pouvant à son tour occasionner de graves troubles d’identité et même le suicide.

Mais la loyauté clivée peut aussi entraîner l’indifférence : l’enfant se détourne alors de ses deux parents, les adolescents partiront en quête d’une meilleure famille, en se détournant de ces parents qui les obligent à choisir. Cela peut conduire dans une secte, à la toxicomanie, la grossesse indésirée…

 

  • La parentification

 

Par parentification, on entend un processus par lequel l’enfant devient parent de son propre parent. En raison de sa loyauté, il assume le rôle qui lui est assigné. Jusqu’à un certain niveau, c’est un processus normal qui favorise la croissance des deux parties. Quand les adultes deviennent père ou mère, ils revivent les désirs infantiles de soutien et de soin. Leur enfant ne les rend pas seulement parents, mais également enfant à nouveau. La parentification préserve d’épuisement émotionnel le parent recevant amour et soutien de son enfant. Voilà l’avantage du parent. Mais il y en a également un pour l’enfant : grâce à la parentification, il peut valoir quelque chose. Par ailleurs, en assumant avec succès le rôle de parent, l’enfant se sent capable de devenir un parent responsable. Il incorpore cette  image. Le rôle de parentification est plus large que celui d’échange de rôle, ou de participation aux tâches parentales. Par l’échange de rôle, l’enfant assume temporairement le rôle du parent. C’est une réponse à une consigne explicite des parents. Par contre, l’enfant parentifié se sent appelé à répondre aux sentiments émotionnels, même infantiles de ses parents. Il se sent responsable d’eux. La loyauté rend vulnérable ; un enfant peut être exploité ou parentifié à l’extrême. La parentification peut peser lourdement sur un enfant en lui imposant des exigences qui dépassent son degré de développement. La reconnaissance est le critère ultime permettant de déterminer la nocivité de la parentification : remarque-t-on les efforts de l’enfant ? Les apprécie-t-on et les récompense-t-on ? En fonction des réponses à ces questions, la légitimité de l’enfant sera constructive ou destructive.

La prise en charge d’un enfant témoin ou victime de violence est donc très complexe et très longue. Il faut s’armer de patience et ne pas oublier que même si l’on a « bien travaillé » il se peut que le parent victime retourne avec le conjoint violent et que « tout est à refaire » mais comme disait déjà  Nicolas Boileau en 1711 « 100 fois sur le métier remettez votre ouvrage » permet de devenir efficace, patient, tolérant et un jour peut-être…

 

 

 

 



02/04/2013
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